Souvenirs, souvenirs... [pv]

Ruelles sombres. Quartier mal famé. Quartier pourtant connu, autrefois, enfin autrefois... Il n'y a pas si longtemps quand on y réfléchit. Deux mois. Deux mois qu'il n'avait pas mis les pieds dans ces rues sombres et malodorantes. Chômei était devenu un neko domestique depuis la dernière fois. Il avait enfilé pour la première fois son collier juste avant de sortir. Cette sensation étrange qu'il avait alors ressentie ne l'avait toujours pas quittée. Et ça lui faisait bizarre de le porter, ce collier. Bizarre. Etrange sensation de malaise. Une pointe de dégoût de soi, aussi. Il revoyait les quartiers qu'il avait si bien connu, dans cette époque à la fois si proche et si lointaine de sa vie, ou ce petit bandeau de tissu n'entravait pas encore son goût de liberté. Il avait marché sur ces pavés tant de fois, arpenté ces ruelles si souvent... Et pourtant elles lui semblaient aussi lointaines que s'il n'y avait pas remis les pieds depuis des années.

Images fugaces. Flashs backs. Nombreux souvenirs qui refont surface. Le neko marche seul, alors qu'il sait très bien que les neko domestiques ne sont pas bien vus dans les parages. Il ne semble pas encore se considérer comme tel. Le collier qu'il porte autour du cou n'a pas détrui celui qu'il était, et il est toujours Chômei, celui qui avait soif de liberté... Où sont passées ces années de vie précaire? Mortes? Cette époque de joie et d'insouciance au jour le jour? Envolée? ... Ne restait-il plus rien de tout cela? En deux mois, Chômei avait beaucoup changé, c'est sur. Il n'était plus tout a fait le même que celui qu'il avait été. A présent il essayait de se contrôler, et il portait un collier. Mais devant ce spectacle si connu, difficile de résister à la tentaion. Grand moment de solitude. Il ne savait pas ce qu'il donnerait, au juste, pour revenir à l'époque de ses souvenirs, où il était si heureux. Mais cela ne servait à rien de se morfondre, il le savait.

Hormis son goût de liberté, auquel il avait fait la promesse solennelle, autrefois, de renoncer, plus rien ne le rattachait à cette vie. Cette promenade devait être reposante. Elle fut mélancolique. Chômei avait la chance, de plus, d'avoir une maîtresse hors-normes, c'est à dire particulièrement gentille avec lui, qui le traîtait comme un être humain, une personne libre, et son égal. De quoi se plaignait-il au juste? Alors qu'il passait devant une vieille vitrine, il jeta un coup d'oeil à l'intérieur. Noir absolu. Poussière, grisaille. Magasin inexistant. Rien qui remonte le moral. Soudain, son attention fut captée par quelque chose ou quelqu'un, derrière lui. Léger bruit de pas. Présence. Qui? Autrefois il connaissait tout le monde dans ce quartier, mais en deux mois tout avait tellement changé, en lui comme à l'extérieur... Il ne devait donc pas connaître celui ou celle qui arrivait par le haut de la rue. Il ne se retourna même pas.

Cette personne allait surement passer à côté de lui sans le voir. Mais Chômei avait oublié un petit détail. Le collier. Les neko domestiques ne sont pas bien vus par ici. Pourtant il le sait. Aïe. ça craint...

Kumiko se promenait dans la rue carressant son ventre.
Elle vut un jeune neko il avait l'air d'être un neko domestique car il avait un collier.
Elle aussi était une neko domestique mais ne portait pas de collier.
La jeune neko passa à côté de lui puis se mit en face.
Elle souriait en le regardant.

"Vous etes un neko domestique pourquoi porté vous ce collier?"

Kumiko était assez naive pour ne pas comprendre un chose aussi simple.

(désolé je suis fatigué ^^')

[C'est pas grave ^^' Et moi aussi je suis crevé ><' Et pas de super humeur... -_-']

Une voix, claire et enjouée, qui claqua dans son dos comme un pétard de nouvel an chinois. Chômei se retourna lentement. Une touffe de poils bleus et une longue queue. Un sourire. Une neko apparamment de très bon humeur, ce qui faisait un changement radical. Il l'observa curieusement. Qui était-elle? Il n'en avait aucune idée... Neko sauvage ou domestiquée? Il la détailla un peu plus attentivement. De grands yeux malicieux et brillants, de petites dents pointues... Elle aurait pu être une rebelle. Elle semblait pourtant sympathique, à croire que la réputation de ce quartier avait quelque chose de périmé... Petit détail, autour de son cou : pas de collier. Elle ne devait donc pas être une neko domestique non plus. Mais alors? Si elle n'était ni sauvage ni domestique, qui était-elle? Existait-elle seulement? N'était-elle pas le fruit de l'imagination vagabonde d'un neko perdu au milieu de ses souvenirs? Chômei cligna plusieurs fois des yeux pour s'en assurer.

Et la question! Cette question si bizarre qui venait de retentir à ses oreilles! Il ne put s'empêcher d'ouvrir de grands yeux, interpelé par cette rencontre tout à fait improbable. Que pouvait-il en dire? Fallait-il seulement répondre? Il ne savait pas lui-même pourquoi il portait ce collier. Pourquoi...? Pourquoi avait-il fait cette promesse impossible il y a deux mois? Pourquoi avait-il vu mourir les seules personnes au monde qui lui étaient chères? Pourquoi les humains n'avaient pas même assez de pitié pour laisser les neko vivre? Pourquoi...? Autant de questions sans réponses. En réalité cette fameuse question, tu as évité de te la poser, mon chat. Heureusement que quelqu'un est passé pour l'exprimer à haute voix. Ainsi elle ne restera pas enfermée dans ton esprit, comme un marteau qui cogne sans cesse à l'intérieur de ton âme. Peut-être t'obligeras-tu à y réfléchir à présent...? Il était resté ainsi, perdu dans ses pensées, et l'air grave, et sombre, pendant quelques secondes.

Lorsqu'il s'en apperçut, Chômei reporta son attention sur son interlocutrice.

- Je porte ce collier pour éviter de finir comme d'autres... Je crois...

Déclara-t-il lentement, sur un ton à peine audible. Sa voix était douce, mais pleine de mélancolie. Il croyait... Mais au fond, Chômei, tu n'en sais rien du tout! Pourquoi portes-tu ce collier? Pour être tranquille avec ta conscience? Ha! Elle est bien bonne! Le regard du neko était vide, comme s'il regardait très loin, tout au fond de lui, dans un ailleurs hors du temps et de l'espace, là où se trouvait la source de tous ses problèmes... Peut-être que celle neko n'était qu'une brêve apparition, un esprit qui lui permettrait de mettre de l'ordre dans ses idées en appuyant là où ça fait mal...? A moins que... Elle semblait tellement ailleurs...

- Qui es-tu?

Finit-il par demander, comme si d'un seul coup il était sorti de sa bulle. Il était revenu les pieds sur terre, et ça l'intéressait vraiment de savoir à qui il avait affaire. Autrefois, il était tellement social... Il se faisait des amis avec une facilité déconcertante. Il connaissait beaucoup de monde, et beacoup de monde le connaissait. Beaucoup de choses avaient changé, et il avait otut perdu. Mais pourquoi ne pas tout recommencer à zéro? Le nouveau Chômei n'aurait plus rien à regretter, et il se ferait de nouveaux amis... Plein! Tout plein d'amis! Encore plus que quand il était libre!

[Zolé, j'ai pas eu le courage de le paufiner plus que ça ^^']

Soudain Chômei fut tiré de ses pensées par les doigts de la neko qui s'agitaient devant ses yeux. Il redescendit sur Terre. ça ne se faisait pas d'ignorer complètement quelqu'un qui se trouvait juste à côté, même si on avait une excellente raison d'être dans la lune! Il allait bafouiller quelques mots d'excuses, mais rien ne sortit d'entre ses lèvres. En tout cas, il avait de nouveau la tête sur les épaules. Pas de doutes, cette neko là était bien réelle, tout ce qu'il y avait de plus réel. Chômei l'écouta attentivement, et ne put cacher sa surprise. Comment cela pouvait-il être possible de se promener librement sans collier quand on avait un maître? Il ne put s'empêcher de jeter un coup d'oeil à la gorge de la neko. Pas le moindre collier, en effet.

Chômei hésita quelques secondes, parce qu'il ne voulait pas que son expérience personnelle, aussi désastreuse fut-elle, prenne le dessus et le rende pessimiste au point d'effrayer la jeune fille... Cependant les mots sortirent tout seuls, sans qu'il les ait vraiment commandés.

- Fais attention... Si on te ramasse, on pourrait bien te prendre pour un neko rebelle, et tu serais en danger. Ce n'est pas prudent, si tu as un maître. Tu ferais mieux de porter un collier...

Le neko semblait avoir bien compris l'utilité de porter ce morceau de tissu autour du cou, ce lien indestructible qui avait supprimé sa liberté. Il ne voulait pas finir comme Keiko... Et c'était le prix à payer. Pouvait-il y avoir des maîtres suffisamment inconscients pour exposer ainsi leur neko au danger extérieur? La demoiselle neko se présenta, et demanda son nom à Chômei. Il remarqua qu'elle le vouvoyait alors que lui-même l'avait automatiquement tutoyée... Pouvait-il y avoir autant de rigueur entre deux "animaux"?

- Je m'appelle Chômei...

Une chose était sure, cette promenade de l'après midi n'aurait pas dû être aussi bouleversante, mais cette rencontre inattendue avait remué pas mal de choses...